La France possède un gisement potentiel – trop méconnu – d’emplois et de richesses : l’organisation de grands évènements internationaux dont le Festival de Cannes, aujourd’hui première manifestation culturelle au monde, né d’une volonté commune du Front Populaire et d’Hollywood, est l’étendard et l’exemple. Alliance de sélections indépendantes guidées par une démarche artistique et du plus grand marché du film international, le Festival de Cannes témoigne de la capacité des grands rendez-vous culturels, sportifs, professionnels thématiques, d’être une source de prospérité et, bien plus que cela, de développement identitaire de territoires en leur donnant les atouts de véritables marques. Leur réussite repose sur la créativité, composante majeure de la compétitivité de la France dans les prochaines décennies.
Facteur de prospérité, donc d’emplois et de création de valeurs, le Festival de Cannes l’est indéniablement. Ses retombées économiques directes, indirectes et induites ont été évaluées pour 2014 à 196 millions d’euros (soit l’équivalent en impact social de plus de 3000 emplois) dont, d’après la récente étude conjointe d’Atout France et de la Ville de Cannes, 72 millions d’euros d’impact économique primaire pour les seules communes du bassin de vie. Le rapport « Pour une politique gagnante des grands évènements » de Philippe AUGIER en 2009 souligne que l’évènementiel, lorsqu’il est cohérent avec le territoire dans lequel il est organisé, possède une dimension exogène positive, en allant au-delà du secteur, du territoire et des personnes naturellement concernés par sa thématique.
Une spirale virtuelle du développement
Comment le plus grand festival culturel au monde, au rayonnement médiatique équivalent aux Jeux Olympiques et à la Coupe du Monde de Football, a-t-il pu se développer hors d’une grande métropole internationale ? La réponse à cette question, dans laquelle réside un gisement de croissance pour le pays, est à chercher dans une spirale vertueuse de savoir-faire et de savoir-accueillir qui a vu évoluer les structures d’accueil évènementiel, d’hébergement, de transport, de restauration, de toute la filière économique réceptive jusqu’à faire de Cannes l’un des principaux carrefours internationaux des professionnels à travers des salons B to B aussi emblématiques que les MIPIM, Tax Free World Exhibition, MIDEM, IAF, MIPTV, MAPIC, ILTM, MIPCOM…
Une infrastructure accueillante, des choix politiques pertinents, une culture de l’international dans un territoire qui concilie fortes racines provençales et intense ouverture sur le monde, constituent les ingrédients de la belle Success Story de la destination Cannes, qui assume pleinement sa dimension de « village mondial », non au sens virtuel de McLuhan mais dans sa dimension physique et réelle de lieu de rencontres des créateurs et des marchands, bref de ceux qui créent des flux de richesse et de culture.
Et c’est en cela que l’évènementiel de haut niveau et récurrent contribue à régénérer l’identité locale. Comme d’autres cités françaises, Cannes est devenue une marque territoriale conquérante, en mettant en exergue ce qui la distingue, notamment son unité de lieu, son histoire de village de pêcheurs, sa dimension azuréenne de terre de création et de cohabitation heureuse entre habitants et visiteurs internationaux. Une marque se caractérise par la connexion entre une identité et un marché. Cette approche est opérante pour faire prospérer un territoire sans qu’il perde son âme, en cultivant ce qui caractérise sa population, son histoire et sa géographie comme facteurs de séduction et de cohésion en renforçant le sentiment d’appartenance à la ville, parallèlement évidemment au respect des grands fondamentaux et standards internationaux en termes de prix, de compétences, de capacités d’accueil et de réception.
Des marques territoriales à fort potentiel pour la France
Il se crée souvent une interaction constitutive d’identité réciproque entre l’évènement et la ville qui l’accueille, jusqu’à influencer des choix de politiques publiques. C’est ainsi par exemple que la commune de Cannes et l’Université Nice Sophia Antipolis vont bâtir un campus universitaire spécialisé notamment sur les métiers de l’écriture pour le cinéma et l’audiovisuel.
Développer une marque territoriale est dès lors une exigence permanente.
Pour faire de l’identité un facteur de croissance et un élément vivant du territoire, évolutif, fidèle à ses racines et tourné vers l’avenir, parce que « c’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source » selon la belle formule de Jean Jaurès, il faut un ingrédient essentiel : la créativité car tout évènement récurrent a besoin de reproduire des rites mais aussi de se renouveler, de rassurer et de surprendre. La rigueur professionnelle et l’imagination réunies constituent le meilleur des carburants des manifestations internationales. Le Festival de Cannes en est la quintessence, lui qui se nourrit de ses paradoxes. Notre pays regorge d’idées, de manifestations et de savoir-faire. Il doit enfin engager une stratégie forte, cohérente, dotée de moyens et de talents, pour développer l’évènementiel international. Modernisation de l’offre structurelle notamment en termes de lieux d’accueil et de moyens de transport, ouverture de droits de trafic aérien, agence de développement des évènements, soutien aux initiatives locales qualitatives et originales, mise en place – comme il le faudrait dans tous les secteurs ! – d’une fiscalité et de prélèvements sociaux compétitifs, développement d’un réel marketing territorial avec des choix et des partis pris et non du saupoudrage politiquement correct de moyens, guichet unique pour les autorisations administratives, sont autant d’exigences et d’opportunités pour que la France, au cours des prochaines décennies, gagne des points de croissance, génère des emplois et stimule une fierté territoriale positive autour d’une identité non pas fossile mais mobile. Voilà ce que nous dit aussi le Festival de Cannes.
David LISNARD
Maire de Cannes
Vice-Président du Département des Alpes-Maritimes