Gestion (édition Larousse) : « en comptabilité, mise en œuvre des ressources en vue d’atteindre les objectifs préalablement fixés dans le cadre d’une politique déterminée ».
Aujourd’hui pour les collectivités locales, cela consiste à se livrer à un délicat exercice d’équilibrisme.
Pas étonnant dans ces conditions qu’un parfum de fronde flotte dans l’air des Communes, avec un vague rappel aux Etats généraux de 1789 qui annonçaient la Révolution en réponse à une crise financière, politique et économique. Et encore, le roi était moins absolu hier que l’Etat n’est enflé aujourd’hui.
Les collectivités locales se mobilisent en cette journée nationale du 19 septembre pour dénoncer le paroxysme d’une situation sclérosée depuis trop longtemps et porter le message de ras-le-bol exprimé par les citoyens contraints, eux, de gérer leur porte-monnaie en bon père de famille.
La situation économique de la France est apoplexique : sur injonction de la Commission européenne, le Gouvernement a décidé de lancer un plan d’économies d’un montant de 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017 visant à réduire les dépenses publiques… Oui mais lesquelles ? Pas celles de l’Etat.
Et c’est là que l’intendance ne suivra pas, car c’est sur le dos des collectivités locales, qui, elles, sont astreintes à cet exercice difficile de la règle d’or budgétaire dont se dispense l’Etat, que ce dernier, de manière autoritaire et unilatérale, se sert.
A Cannes, la réaction a été immédiate. La réponse à cet abus a été celle du berger à la bergère : puisque chacun doit être dans son rôle, la Municipalité a initié les démarches nécessaires pour amener l’Etat à prendre ses responsabilités. Elle refuse aujourd’hui de payer pour assurer les missions régaliennes qui par définition incombent à ce dernier et demande le remboursement sans délai des dépenses engagées par la Ville en lieu et place de l’Etat.
En effet, le Gouvernement impose aux collectivités locales une réduction drastique des dotations qui leur sont versées et notamment de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF), afin de réaliser une économie cumulée entre 2014 et 2017, de 28 milliards d’euros.
Il s’agit en réalité d’une spoliation, car la DGF n’est pas un don mais un dû, une ressource qui revient de droit aux territoires. Outre cette décision absolutiste, l’Etat prend également des mesures d’ordre fiscal, sans évaluation, sans concertation, faisant reposer sur les communes, le poids de son retrait de l’action publique et de cet amateurisme inquiétant.
Les conséquences de ce dépouillement en règle ne se sont pas faites attendre : alors que 70% de l’investissement public est porté par les collectivités (60% pour les seules communes), selon un rapport sénatorial (juillet 2015), 62% d’entre elles ont dû procéder à une contraction de leurs dépenses d’investissement en 2015.
Cette situation, si elle doit appeler les collectivités à repenser leur fonctionnement (ce qui est bien), les oblige également à procéder à des arbitrages douloureux, face à l’effet de ciseau subi de plein fouet, au détriment des services de proximité (ce qui est mal), malgré les efforts réalisés pour rationnaliser une action publique locale pourtant plus vertueuse que celle de l’Etat.
La commune de Cannes est soumise à cette politique mortifère menée par le Gouvernement ; elle doit faire face, pour la période annoncée, à une ponction de 42 millions d’euros de DGF et à de nombreux transferts de charges non compensés, pour une partie totale de 76 millions d’euros tout en veillant à son équilibre budgétaire et en continuant à investir pour rester attractive, assurer la sécurité et rendre un service public de qualité à ses citoyens, sans augmenter la fiscalité et en baissant sa dette.
Face à ces pertes de recettes, la tentation est grande pour les collectivités de recourir à l’impôt en compensation. Mais à contre-courant, la Ville de Cannes a fait le choix de ne pas augmenter la pression fiscale sur ses contribuables, parce qu’il s’agit de ne pas céder à la facilité, parce que l’augmentation d’impôt va à l’encontre de l’investissement dans les territoires et parce que les contribuables n’ont plus à être la variable d’ajustement de l’archaïsme de l’Etat !
Aussi, Cannes n’a pas appliqué la surtaxation des résidences secondaires, véritable « miroir aux alouettes » agité avec cynisme par le Gouvernement pour tenter de faire oublier les conséquences désastreuses de la baisse de la DGF.
Les communes de France, échelons de proximité, en prise avec les réalités quotidiennes des administrés, font aujourd’hui preuve d’une créativité pragmatique, en tentant de pallier les amputations sévères que subissent leurs finances et les ajouts de nouvelles charges, tout en maintenant un service public de qualité à l’écoute des besoins des citoyens. Mais elles ne peuvent plus absorber le désengagement d’un Etat démissionnaire, qui agit de manière autoritaire et souhaite faire assumer aux contribuables et aux acteurs locaux ses largesses passées et en cours…. 1789 ou presque !
David LISNARD