Le maire de Cannes réagit à l’apologie du mouvement woke par l’ancienne secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy qui réside aux Etats-Unis.
(Le Figaro – 23/11/2021)
Dans un récent entretien accordé à L’Express depuis Washington, où elle réside, Rama Yade se rappelle au souvenir du pays dont elle fut secrétaire d’État. Elle défend le mouvement woke et y pourfend la France où « le racisme est partout», dit-elle, et dont l’universalisme républicain ne vaudrait pas mieux que le communautarisme.
En faisant de la question raciale la matrice des rapports sociaux, Rama Yade jette l’huile du racialisme sur le feu ardent des passions tristes qui minent notre unité nationale. Quelle tristesse mais aussi quel danger pour la République française qu’un tel propos, qui confond le racial et le social! Rama Yade évoque des problématiques réelles qui touchent une partie de la population, notamment d’origine immigrée, dans l’accès à une formation de qualité, à l’emploi, à la reconnaissance. Mais son interprétation au prisme des origines est de l’ordre du sophisme, et conduit à l’enfermement identitaire, au ressentiment victimaire, à l’antagonisme entre groupes.
Car quel est le problème de la France? Un enfant de cadre ou de profession intermédiaire a 2,5 fois plus de chances qu’un enfant d’ouvrier ou d’employé d’obtenir un diplôme supérieur. Là où il y a donc un problème majeur de déterminisme social dans une société française plus bloquée que jamais, Rama Yade, elle, voit une cause raciale et en tire la conclusion que l’universalisme à la française est un leurre. C’est pourtant l’inverse qu’il faut affirmer: jamais il n’a été aussi nécessaire de retrouver ce qui a fait la force et la singularité de la République française. Il nous faut rétablir une instruction publique de qualité, un apprentissage exigeant de la culture porteuse d’élévation individuelle et de cohésion nationale, une autorité régalienne pour un ordre juste, c’est-à-dire tout ce qui agit pour l’égalité des chances, la liberté et la justice, notamment à destination des populations immigrées, souvent issues de milieux pauvres et ne disposant pas d’un bagage éducatif et culturel suffisant.
Quand Rama Yade, comme d’autres avant elle, issus des mouvements indigénistes et décoloniaux, nie l’existence d’un racisme anti-Blancs en France, parce qu’« il n’y a pas de racisme sans domination », elle justifie ce racisme.
Or, sous couvert d’antiracisme, l’idéologie woke, dont Rama Yade se fait la porte-parole, sape les fondements de cet universalisme qui ne reconnaît pas les races. C’est pourtant ce modèle qui a conduit la France à se doter d’une législation particulièrement forte – qui fait son honneur – contre le racisme, dont les manifestations individuelles ont malheureusement toujours existé dans toutes les sociétés, dans toutes les cultures, à toutes les époques.
Le «racisme systémique» n’existe pas en France et c’est bien pour cette raison que ces mots (wokisme, «cancel culture», etc.) n’existent pas en France alors que Rama Yade nous enjoint de «développer nos propres outilsde pensée, nos propres référentiels». Cette «opération de propagande» dénoncée par Pierre-André Taguieff va de pair avec l’idée de «privilège blanc» reprise par Rama Yade, qui prétend que tout Blanc en bénéficie et en devient «responsable à partir du moment où, ayant pris conscience de cela (il ne fait) rien et en (bénéficie) tranquillement».
Cette idée destructrice et pernicieuse voudrait contraindre les Blancs à une sorte de rééducation mentale, renvoyant à ce que Mathieu Bock-Côté définit comme une «tentation totalitaire». Elle se traduit dans la réécriture de l’histoire, le déboulonnage des statues, la censure de livres ou de films ou encore dans l’interdiction faite la semaine dernière à Geoffroy Lejeune, le directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, de s’exprimer à Sciences Po Paris car jugé «trop à droite».
Quand Rama Yade, comme d’autres avant elle, issus des mouvements indigénistes et décoloniaux, nie l’existence d’un racisme anti-Blancs en France, parce qu’«il n’y a pas de racisme sans domination», elle justifie ce racisme. Sans le moindre doute, se faire traiter de «sale Blanc» est une insulte raciste comme toutes celles qui font référence à la couleur de peau. Ce qui définit précisément l’abjection raciste, c’est d’attaquer quelqu’un pour ce qu’il est et non pour ce qu’il fait.
Martin Luther King expliquait que son action était «fondée contre une injustice et non contre les blancs qui peuvent avoir pratiqué cette injustice». Les tenants du wokisme devraient s’inspirer de ce grand homme qui n’imaginait pas l’émancipation des Noirs dans une dérive communautariste mais bien au contraire comme une volonté d’appartenir pleinement et entièrement au peuple américain, sans distinction de races, conformément au bel universalisme dont la France a su faire un idéal.
Si «l’ombre de l’histoire raciale pèse toujours» sur les États-Unis, comme l’affirmait le président Obama en 2015, le modèle assimilationniste français nous a épargné les mêmes tourments. C’est son abandon qui ouvre aujourd’hui la voie aux délires de la «cancel culture», du racialisme et du wokisme.
Et pour conclure, si Rama Yade ressent une «micro agression» en passant devant une statue de Colbert au cœur de la capitale française, permettons-nous de lui dire qu’il vaut mieux une micro agression qu’une macro-ineptie de réécriture anachronique et moralisatrice de l’histoire.
David Lisnard